Cet hiver, j’ai acheté une paire de bottes Aigle, une salopette jaune de marin Guy Cotten, un couteau orange de chasseur pour trouver ma légitimité à être une bonne salariée agricole.
Fidèle à moi-même comme un cheminot du temps ancien (qui étaient des voyageurs de fermes en fermes et souvent philosophes par le chemin) je suis passée par trois fermes depuis février. J’ai beaucoup réfléchi mais rien écrit car ce que je posais sur papier ne valait pas le partage, et sur structures de serres à soulever de terre, j’ai imaginé le fondement de mon futur projet nomade.
Je me suis rendue compte que j’ai presque tout pour être une bonne salariée agricole, mais la vérité c’est que je n’aime pas travailler.
J’aime bien me lever tôt pour voir le soleil se lever. Retrouver des copains dans les champs et soulever nos manches sur nos bras dorés pour réussir un bel exploit. Se lancer des blagues comme des obscénités. Laisser nos estomacs nous guider pour aller manger et regarder les oiseaux pour se rappeler qui on est. Répéter les mêmes gestes et trouver un rythme pour mes pensées rocambolesques.
J’aime aussi : Voir de la poésie se glisser dans des méthodes de production. Puis penser ergonomie pour ne pas se faire mal et pouvoir travailler plus durablement. Faire des heures en plus sans m’en rendre compte car je me sens bien entourée. Et continuer à apprendre tous les jours de cette vie qui me surprend.
J’ai compris que je suis une salariée trop exigeante pour être heureuse dans un certain nombre de fermes. Que si j’avais à répéter une saison similaire, je me construirais une brouette en bois (moins lourdes que les métalliques) que je trimbalerais avec moi. Puis sachant que je vais suffisamment vite, je prendrais parfois un temps pour regarder la forme incroyable d’une tomate difforme. Que j’ai besoin de protéger mon temps de création pour rester inspirée à voir et partager le beau où je suis. Et que ça ne sert à rien d’attendre à être valorisée par des personnes qui sont eux-mêmes en train de courir. Alors j’apprendrais peut-être que je peux créer un espace autour de mon corps où l’ambiance est bonne et l’ergonomie me protège pour continuer à me sentir libre dans un métier que j’aime.
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