Ferme Nomade

Création de spectacles vivants pour lieux agricoles

Maison de la radio, Paris

Texte écrit à l’occasion de l’évènement des 60 ans de l’éducation socioculturelle, le 14 novembre 2025.

Sur scène, accompagnée d’une sélection de photos de Gabriela Tellez en arrière plan.

« Je m’appelle Armelle Verrips. Hier j’étais en train de récolter des carottes dans la ferme de Romuald Botte un des maraichers chez qui je travaille autour de Lille. Je suis salariée maraichère à mi-temps chez quatre maraîchères et maraîchers en Amap. En parallèle je cultive avec d’autres artistes : Ferme Nomade, une ferme agri-culturelle.

Avec Ferme Nomade, j’aime partager des histoires et des gestes paysans. Je considère que la création c’est pour tout le monde et que les fermes sont des lieux d’inspiration et de ressources créatives et nourricières. On a besoin de retrouver un lien direct à ce qui nous entoure pour transformer notre lien au vivant. Ferme Nomade cherche à partager une réflexion autour du monde paysan, mais aussi à créer des occasions pour repeupler les champs : de gens, de chants, de danses et de rencontres.

Mais revenons à mes débuts de maraîchère.

En 2017 après des livres et des films qui bousculent en moi, l’envie de changement et d’actions concrètes, je rencontre une jeune maraichère qui me donne envie d’essayer pour de vrai un métier en lien direct avec la terre. Elle me donne le contact d’une association qui cherche une apprentie saisonnière. Alors 

Je sème des haricots, je plante des tomates, je récolte des salades. J’apprends sur le tas. J’apprends aussi à désherber, égourmander, arroser en profondeur etc.

Dès les premiers jours, j’ai la sensation que toutes mes différentes vies peuvent se relier ici dans les champs entre Amsterdam où j’ai grandi et Paris où j’ai fait une partie de mes études. 

Je me rappelle les gestes de mon papi dans son jardin breton. Je retrouve des sensations liées à la danse par mon corps en mouvement. Et l’étudiante en lettres est présente par toutes les histoires qu’on se raconte en travaillant.

Je prends racine dans un lien intime avec la terre par l’envie de cultiver et de partager. La répétition des gestes et des saisons permet aussi un autre lien au temps, au partage, et à la vie tout court. 

L’horizon de ma vie bascule après cette première saison. Et là où je pensais encore que le maraîchage n’était peut-être qu’une étape parmi d’autres, j’ai besoin de retourner dans les champs, encore et encore.

Après deux saisons de test, je m’inscris en BPREA, Brevet Professionnel de Responsable Entreprise Agricoles au CFPPA, Centre de Formation Professionnelle et de Promotions Agricole de Lomme pour trouver une certaine légitimité. C’est là où je lance les bases de Ferme Nomade, mon projet de ferme culturelle que je commence à concrétiser dans les champs où je travaille. 

L’artiste – paysanne que je découvre en moi s’inspire des moments concrets de la vie d’une ferme tout en créant de la poésie avec des bouts de ficelles et les personnes qui gravitent autour des fermes. Au début, je ne tiens pas particulièrement à créer des spectacles, mais plutôt des expériences participatives dans lesquelles le public prend le temps de découvrir les histoires, les gestes tout en laissant une place pour regarder les nuages changeants et le blé qui bouge au vent. Lors de collectes de paroles auprès de client.e.s et de producteur.ice.s et des ateliers en Amap, les expériences se multiplient au delà des moments de représentations.

Pendant l’automne 2022, je me souviens d’une discussion avec Agnès Kindt sur les espaces disponibles sur sa ferme pour le défilé d’habits de travail en création. On récolte des patates douces en regardant le champ plus loin. Elle me propose d’y semer une prairie fleurie pour le défilé. J’adore l’idée qu’on puisse préparer le décor avec des graines qui vont germer et s’enraciner. Au printemps, le champ se vêtit de petites fleurs blanches et nous terminons le spectacle avec un cortège de mariage où l’un des membre fondateur de l’Amap porte la robe de mariée faite de p17, un voile de forçage, sorti des choses à mettre à la déchèterie et accompagné d’autres personnages habillés en costumes faits de bâches et de sacs à patates. 

L’automne suivant, l’apiculteur remercie Agnès pour la prairie fleurie qui a permis aux abeilles de produire plus de miel et Agnès choisit de se marier en améliorant sa robe de mariée avec une traine de p17 neuve.. La paysanne – artiste que je suis est ravie de voir comment une création peut changer des habitudes culturales et donner une autre utilité aux outils de travail.

Je crée ensuite Volante, solo d’une maraîchère, entourée du comédien – écrivain Camille Faucherre et de la danseuse chorégraphe Clémentine Vanlerberghe. Nous utilisons des histoires et des gestes récoltés les deux premières années en créant un spectacle qui tourne de ferme en ferme pour donner à voir le métier par une visite guidée déjantée. 

Après une des représentations, une maraîchère vient me remercier d’avoir dit tout haut ce qui fait la complexité de son métier et un enfant me demande quand il peut venir me donner un coup de main pour que je puisse mieux me reposer. Je suis touchée que mes expériences servent ainsi à rendre accessible autrement le travail des champs. Et que les consommateurs comprennent mieux le travail que représente une simple carotte. 

L’artiste-paysanne que je suis aime jouer avec la limite entre fiction et documentaire dans des lieux ouverts destinés au travail.

Je n’ai pas l’impression que mon expérience de paysanne – artiste représente deux choses si différentes. Comme chaque paysan.ne que j’apprécie nous utilisons tout ce que nous avons à notre disposition dans les champs et dans nos cerveaux pour co-créer de la vie avec ces lieux. Ces personnes sont aussi poètiques dans leur approche. Et comme chaque artiste qui m’inspire, je me saisis de thématiques importantes à mes yeux pour formaliser des idées et des sensations. Puis ce sont aussi deux métiers précaires et pourtant si essentiels à la vie. Et, je ne suis pas seule. Ni dans mes projets où je suis autant accompagnée et inspirée par les copaines artistes que par les paysan.nes. Ni dans l’histoire où il y a toujours eu des paysannes et des paysans qui chantaient, dansaient et racontaient des histoires. »


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