Lis Terre Air #1
30 juin 2025, 18h
par Camille Faucherre
Depuis quelques années la bascule a opérée. Il y a plus d’hirondelles des fenêtres que d’hirondelles rustiques. Les rustiques sont plus toniques effilées et vives, elles tracent des Z dans le ciel. Celles des fenêtres sont plus pataudes, enjouées et tracent des S. Il y a toujours ce moment où les rustiques sont installées depuis 10 jours et les fenêtres arrivent. C’est la fête des hirondelles, tous les nids piaffent le printemps!
Sous les rondes des hirondelles nous sommes 10, plus de femmes que d’homme s. Nous venons de l’Avesnois, de Lille ou du Bénin. Nous sommes boulangères, maraîchères, éleveuses. En lancement d’activité, installées, ou en recherche de reprise pour partir savourer la retraite.
Nous sommes au frais des pierres sous la canicule de fin juin.
Sur les tables branlantes, jus de pomme et eau fraîche. Les hirondelles dansent sous la ligne à haute tension. Les vaches pâturent à l’ombre des chênes des haies. Le chariot Lis Terre Air se déploie. Dedans des livres, des supports d’écritures et tout type de crayons, stylos et feutres.
Chacune lit dans le calme, pour soi même. Cherche l’extrait à partager à haute voix.
Une voix s’élève dans ce silence de bibliothèque paysanne. Elle nous fait lecture d’un extrait de « La révolution d’un seul brin d’herbe ».
Et les rebonds se déclenchent, l’effet papillon de la littérature, un cercle vertueux où la confiance et l’hospitalité se mêlent et apaisent.
Tout le monde lit pour tout le monde. Le frigo ronronne. Les hirondelles font la ronde, entrent et sortent au dessus de nos têtes.
Se dégage une notion de sacré, de magique, de vaudou de l’agriculture. De l’humble impossibilité à tout expliquer. De la modeste possibilité d’essayer de faire au mieux.
Est lu un passage de GIONO, « Lettre aux paysans sur la pauvreté et la paix ». Nous parlons révolte des récoltes, grève des moissons et moyens de luttes propres au monde agricole : « Si on arrête, alors tout s’arrête ».
Alors on arrête là lecture et on passe à l’action. Nous écrivons des lettres à des correspondantes de nos choix, nos aïeuls, nos descendances, nos contemporaines, nos proches et lointaines. Nous inventons les mots pour raconter les livres et témoigner nos compréhensions.
Nous y sommes.
Nous composons le monde en l’écrivant, le décrivant, en partageant savoirs et expériences, références et brèves de comptoirs.
Puis les volontaires nous les lisent. On a écrit aux repreneureuses espérées, à nos enfants, à nos accueillantes estivales, à nos amis restées au loin, à nos grands parents.
Nous applaudissons. Nous rions. Pleurons. C’est simple et c’est beau.
On a envie de se faire des câlins. Mais y’a la pudeur agricole et la sueur caniculaire. Alors on se sourit. Et ça nous suffit.


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