J’oscille entre une rage bourdonnante et une joie vivifiante depuis que je travaille dans les champs.
Et au printemps ça s’accélère. Manger des fruits rouges résume au mieux les désirs aboutis, sentir la nature qui galère par des pratiques humaines absurdes, accentue ma rage.
En relisant cet hiver les livres qui m’ont remis dans mon chemin de terre et en découvrant d’autres livres pour mieux comprendre ces dernières années dans les champs, ma rage ne s’est pas reposée. Les mots précis ont organisé des intuitions, les chiffres ont accentué ma conscience et de livres en livres, j’ai eu de bonnes claques.
Jean Giono, le poète, écrit « une lettre aux paysans sur la pauvreté et la paix » dans lequel il montre déjà comment on détruit le lien entre les paysans et la terre en 1938. Vandana Shiva avec son regard de scientifique décrit au present avec chiffres à l’appui « qui nourrit réellement l’humanité ». Et Inès Léraud et Pierre van Hove montrent avec la bande-dessinée « Champs de bataille » que le gouvernement Pétain a fait des lois qui permettent le remembrement après guerre et tous les traumatismes qui vont avec.
Horrifiée par la manière dont la guerre contre le sensible et le vivant s’est poursuivi, les livres deviennent des alliés pour argumenter d’autres choix de vie.
Car ce sont aussi eux qui rappellent la magie des champs, la puissance de l’autonomie et l’intelligence paysanne. Ils me donnent des armes en forme de mots pour lutter encore ! En replantant des arbres, en ré-inventant des danses sensibles pour les champs et en riant d’être ensemble et vivant.
Avant de commencer Lis-Terre-Air, on m’a offert cette phrase de Pinar Selek : ‘La joie est l’expression de la vie. Elle est le message de « Nous sommes là ». J’ai appris cela en prison de mes amies kurdes, de danser et chanter face à la violence. J’ai vu que cette joie perturbait le pouvoir car tous les pouvoirs ont besoin de corps tristes pour gouverner, tandis que la joie est le signe de la vie qui résiste.’
C’est avec tout cela qu’on continuera à résister collectivement sans même s’en rendre compte !
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